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Cinéma


La Guerre des Rose

Amour à mort!

 

 

Danny De Vito est un acteur qui attire chez moi beaucoup de sympathie. Son physique atypique, son visage rond, dégarni et jovial, sa petite taille met en confiance immédiatement. Et l'on éprouve qu'une seule envie, nous confier à lui, lui parler de nos problèmes comme à un ami. C'est le copain qui vous donne de bons conseils, qui est toujours là pour vous aiguiller.

Cette image lui a permit de briller en tant que second couteau de luxe. Avec sa trombine qu'on oublie pas, il donne souvent beaucoup d'épaisseur à ses partenaires de jeu. C'est évidemment le cas dans le film du jour.

 

Danny De Vito s'invite cette fois-ci devant et derrière la caméra après déjà d'autres films couverts d'un certain succès d'estime. Le ton est donné dés la première scène, elle-même intégrée à un générique plutôt classieux, composé avec des lettres dans un style art déco sur un fond blanc et soyeux. Puis le cadre s'élargit pour révéler un mouchoir en soie blanche dans lequel le réalisateur se mouche abondamment.

 

Cette introduction, surprenante par sa contradiction, joue comme le reste du film sur nos croyances et nos préjugés ainsi que sur un fort antagonisme, entre respect des codes du cinéma romantique et retournement des situations idylliques en séquences de comédie grinçante.

Même le titre La Guerre des Rose est révélateur de ce hiatus (Rose étant le nom des protagonistes...comme quoi)

 

Au cœur de l'intrigue, nous suivons un couple très glamour (en tout cas pour l'époque) Les Rose, , incarnés avec une délectation communicative par Michael Douglas et Kathleen Turner. Leur rencontre, comme leurs déboires sont d'une drôlerie réjouissante et permettent à Danny De Vito de livrer une vision très juste des rapports de force qui peuvent survenir dans la vie d'un couple. Analyse appuyée par les nombreux monologues de ce dernier en tant que témoin privilégié de l'évolution de ces deux personnages et narrateur du film.

 

Mais l'intérêt se révèle petit à petit lorsque l'engrenage commence à s'emballer, quand chaque personnage commence à se rendre compte des travers de l'autre et quand le titre "La Guerre des Rose" se met à prendre tout son sens.

 

 

Adroitement, le jeu se met en place, grâce à une mise en scène inspirée, qui traduit à merveille l'éloignement du couple. La maison devient trop grande pour eux et la monotonie s'installe. Le couple n'arrive pas à communiquer sur ses problèmes, chacun préférant envisager sa propre vie et ses projets aux deux extrémités d'une gigantesque table. Le mobilier prend une place de plus en plus importante, magnifié par les éclairages, baignant dans des tons chaleureux, roses, orangés. On a même du mal a imaginer que ces décors aussi  enchanteurs qu'ils puissent paraître sont appelés à devenir un enfer quotidien qui servira d'exutoire à la vengeance du mari et de la femme.

 

Et l'on se surprend à rire de l'escalade du conflit, révélateur de toutes les défauts d'un certaine société de classe. L'absence et l'entêtement du mari, les ambitions de la femme, le désir d'exister et de monter les échelons de la réussite pour poursuivre l'American way of Life des années 80, qui voit le couple s'embourber dans l'enfer du matérialisme et aboutir in fine à la dispute des biens.

Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la première rencontre des protagonistes se fait au cours d'une vente aux enchères. La propriété prend alors les allures d'un champ de bataille domestique avec un crescendo de perfidie et de méchanceté à mourir de rire. La fin est même surprenante et suffisamment drôle pour rester dans les anales de la comédie américaine.

 

Bref, un film aussi soigné que désopilant dont le rythme et la qualité du jeu des acteurs, tous très impliqués dans le projet vous fera passer un moment inoubliable. Et bravo à Danny De Vito qui, malgré son apparente bonhommie, ne manque pas de mordant et nous montre un immense talent de réalisateur et de directeur d'acteurs.

 

 

Réalisateur : Danny De Vito

Pays : USA

Année : 1990

Durée : 1h57

Avertissement : Tous Publics

Distribution : Michael Douglas, Kathleen Turner, Danny De Vito, Marianne Sagebrecht, Sean Astin...


20/04/2014
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Dark City

Occulté par Matrix

Dans une ville gigantesque plongée dans l'obscurité, les habitants sombrent dans un sommeil profond chaque fois que sonne minuit. C'est pourtant à ce moment là que John Murdoch se réveille dans la baignoire d'une chambre d’hôtel. Il n'a aucun souvenir, ne connaît pas son identité et découvre avec effroi le corps mutilé d'une femme étendue près de son lit.

 

Les histoires d'amnésiques ont souvent nourrit les cinéastes en manque d'inspiration. Il n'y a rien de mieux en effet que de faire découvrir à un personnage sa propre identité en même temps que le spectateur pour créer une identification plus forte. Les questions soulevées par l'intrigue se doivent donc d'être nombreuses pour maintenir en haleine jusqu'au bout, quitte à sacrifier toute vraisemblance et à multiplier les incohérences de scénario. Heureusement, "Dark City" garde une certaine logique de ce point de vue, tout en répondant parfaitement au cahier des charges avec ses nombreuses interrogations à la clé. Notre héros est-il vraiment le meurtrier? Pourquoi est-il amnésique? Et quels sont ces personnages étranges au crâne chauve qui semblent le poursuivre? Cette mise en place suscite immanquablement l'attente et participe d'un dispositif rôdé dont l'efficacité n'est plus à démontrer.

 

"Dark City" se distingue cependant du tout venant par ses parti-pris esthétiques tranchés et percutants. Le film s'ouvre sur un long travelling qui nous fait plonger dans les bas-fonds lugubres d'une cité écrasante par sa taille et son obscurité. Les phares d'une file ininterrompue de voitures parcourent ses artères labyrinthiques sur plusieurs niveaux, les sifflets des tramways résonnent dans la nuit, masquant à peine le vacarme des habitants en pleine activité. Puis... soudain,... tout s'arrête net. La musique tonitruante du début laisse la place à d'angoissants chœurs masculins... avant de réapparaitre lorsque la caméra nous fait pénétrer à travers le hublot d'un bâtiment sinistre.

 

Premier constat : le film dégage une atmosphère extrêmement prenante, presque à la limite de la surenchère visuelle et auditive. Les premières scènes sont très découpées, mais toujours lisibles. L'image est léchée et parfaitement bien composée, accompagnée d'une bande sonore, omniprésente, mais jamais envahissante, en symbiose avec une mise en scène superbe. Il faut dire qu'Alex Proyas n'en est pas à son coup d'essai. Son curriculum vitae compte un nombre important de pubs pour des marques célèbres et de clips pour "Yes" ou encore "Mike Oldfield", rien que ça. "The Crow", son film précédent lui a d'ailleurs permit d'acquérir une certaine notoriété auprès du grand public.

 

 

Il y a dans "The Crow" et "Dark City", la même ambiance désespérée, le même imaginaire sombre et gothique, mais avec un degré de maturité nettement plus important dans le deuxième film. Son ambiance peaufinée, se double d'une parfaite maîtrise des moyens techniques. Les effets spéciaux utilisés pour matérialiser les transformations de la ville sont tout simplement bluffants. Ils combinent à merveille des maquettes et des décors réels à un travail de création numérique minutieux. La ville apparaît donc comme un personnage à part entière. Elle se mue régulièrement comme un être vivant pour emprisonner encore et toujours ses habitants dans une existence sans perspective et sans avenir.

 

Les repères temporels comme les repères spatiaux sont aussi régulièrement bouleversés, à l'image de suspensions récurrentes du temps. Seul des aliens camouflés en humains veillent en permanence à dissimuler la vérité sur ce monde aux limites incertaines, construit à partir de souvenirs mélangés, triturés, manipulés entre eux pour être le terreaux d'existences artificielles. Au fond, La mémoire est le cœur du problème. Associée d'ordinaire à la préservation des images de la vie personnelle ou commune, elle est ici un outil d'étude et d'asservissement pour des extra-terrestres incapables d'individualisme et de libre arbitre.

 

Leur rôle rejoint d'une certaine manière celui des cinéastes : mettant en scène différents scénarii à l'aide de souvenirs, contrôlant les lieux et les personnalités, comme un réalisateur dirigerait ses acteurs et tournerait ses scènes. Alex Proyas n'hésite d'ailleurs pas à pousser la logique assez loin dans la constitution de ce qui s'avère être un véritable méta-film. Chacun de ses personnages est un stéréotype purement cinématographique, une résurgence du passé : La femme fatale, le savant fou ou encore le flic téméraire. Ce propos est d'ailleurs renforcé par l'aspect visuel du film, nourri des représentations de tout un pan de la mémoire du septième art. Que ce soit les extra-terrestres dont le crâne blanc et chauve rappelle le "Nosferatu" de Murnau ou bien encore la ville elle-même, constituée d'un ensemble de bâtiments aux styles hétéroclites rappelant la démesure du "Métropolis" de Fritz Lang.

 

 

"Dark City" n'est donc pas un film anodin, loin de là. Sa richesse tant sur le fond que sur la forme en fait une référence incontournable du domaine du fantastique. Et pas uniquement... Puisque le film reste aussi très imprégné d'une ambiance de film noir et qu'il vire aussi du côté de la science fiction dans sa dernière partie. Roger Ebert, grand critique de cinéma américain, réputé pour son intransigeance, le considère comme l'égal de "Blade Runner" de Ridley Scott ou du "Metropolis" de Fritz Lang. Certaines de ses interview sont d'ailleurs contenues dans le Blu- Ray avec celles de Proyas, ainsi qu'une version Director's Cut du film pour le plus grand bonheur des fans. Je ne m'étendrai cependant pas sur celle-ci, ne l'ayant vu qu'une fois, mais je dirai simplement qu'elle contient quelques apports intéressants; notamment un remontage de quelques scènes, la suppression de la voix off du début et des personnages supplémentaires.

 

Malheureusement, la sortie de "Dark City" en mai 1998 n'eut pas le même retentissement que l'arrivée dans les salles de "Matrix" un an plus tard. La comparaison est intéressante puisque les deux films ont une trame narrative assez similaire ainsi que quelques thématiques en commun. Certains fans de l’œuvre de Proyas se sont même essayé à une comparaison plan par plan, révélant de troublantes ressemblances qui peuvent laisser supposer un plagiat des frères Wachowski sur le film d'Alex Proyas. Reste qu'en dépit de cette polémique et de sa faible notoriété, "Dark City" demeure un film d'une beauté et d'une richesse rare, une œuvre théorique fascinante perdue dans un océan d'indifférence ("Le Guide des Films" de Jean Tulard n'en fait même pas mention... pffff!). A redécouvrir d'urgence!

 

 

Réalisateur : Alex Proyas

Pays : USA, Australie

Année : 1998

Durée : 1h35

Avertissement : Tous Publics

Distribution : Rufus Sewell, Kiefer Sutherland, Jennifer Connelly, William Hurt


02/01/2014
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TOP 5 youtubers parlant de cinéma

Voici un autre top consacré aux youtubers parlant admirablement bien de cinéma. Je pense qu'il serait judicieux de les encourager car déjà il ne sont pas nombreux si on compare leur nombre aux youtubers qui se consacrent aux jeux vidéo (il y'en a de très bons aussi, je ne le nie pas). Mais il me semble que c'est souvent plus dur de critiquer un film que de faire un let's play du dernier Call of Duty.

 

1. Karim Debbache dans CROSSED

Karim Debbache officie depuis peu sur le site Jeux Vidéo. com, dans une rubrique de critiques de films intitulée "Crossed". Les films chroniqués ont pour point commun soit d'être adaptés de jeux vidéo, soit de réfléchir sur le médium vidéo-ludique en général. Après une analyse somme toute assez linéaire mais non dénuée d'humour de chaque film, Karim et ses acolytes nous font part de leur avis sur ces œuvres, pour certaines assez méconnues du grand public. Les digressions apportées dans certaines vidéos permettent en outre d'obtenir quelques renseignements techniques sur le langage cinématographique ou d'ouvrir à une réflexion sur d'autres films ou styles particuliers.

 

2. LE FOSSOYEUR DE FILMS

Armé de sa pelle et de sa guitare, le Fossoyeur de films a ouvert récemment un chaîne sur youtube dans laquelle il nous parle de sa passion débordante pour les films de genre. Les sujets qu'il déterre pour notre plus grand plaisir sont présentés avec une verve peu commune et un sens didactique lui aussi peu commun. Un excellent premier choix pour tous ceux qui découvrent le cinéma et qui souhaitent en savoir plus sur certains sujets incontournables, tel la profusion actuelle des blockbusters, ou "Les origines de la peur au cinéma".

 

3. GILLUS de ZONE GEEK

Tournons nous à présent vers nos amis belges de la Zone Geek aux doux surnoms de Nirgle, Gillus et Goldo. Ces trois joyeux lurons, non content d'avoir un charisme à faire pâlir d'envie Jean-Claude Van Damme, nous parlent de leur passion pour les films de genre horrifiques et fantastiques dans la joie et la bonne humeur, une bouteille de bière à la main. Parmi eux Gillus est sans doute le plus actif en postant régulièrement des vidéos sur des films peu connus qui méritent d'être redécouverts dans sa rubrique "Ovni Cinéma". Et si vous voulez en savoir plus sur l'actualité des évènements cinématographiques et sur l'univers du cinéma de genre des années 70 à 2000, vous trouverez sans doute votre bonheur dans les très nombreuses émissions que contient la chaîne.

 

4. MATT d'ETAT CRITIQUE

Avec "Etat Critique", Matt est l'un des premiers grands cinéphiles a avoir ouvert la brèche aux critiques de film francophones sur internet. Réalisées avec des moyens simples et efficaces, ses critiques sont extrêmement bien écrites et parfaitement énoncées sur un ton, certes un peu haché, mais toujours très clair. L'éloquence de Matt se complète d'une particularité, celle de faire une rétrospective de films par année depuis 1998. Au fil du temps, Matt a acquis de la maturité et de l'assurance, sortant des chroniques de plus en plus longues et détaillées. Dernièrement, Matt s'est lancé dans des projets encore plus ambitieux, en préparant un documentaire sur Sam Neill, son acteur préféré qui l'emmenera à sa rencontre en Nouvelle- Zélande, ou encore en réalisant un autre documentaire axé sur la vie tumultueuse de l'acteur allemand Klaus Kinski, dont voici la première partie.

 

5. DURENDAL

Il peut énerver, voir même agacer, mais on l'aime bien quand même. Je veux bien sûr parler de Durendal et de ses positions assez particulières sur certains films. Qu'on se le dise, Durendal ne va pas essayer de caresser son public dans le sens du poil et c'est tout à son honneur. Au contraire, ce dernier va souvent aller à contre courant de l'opinion majoritaire sur plusieurs films et souvent pas des moindres. Il n'hésite pas à clamer haut et fort qu'il n'est pas client des films de gangster, qu'il n'aime pas les premiers Batman de Tim Burton (Aaargh!) et qu'il prend plus de plaisir à voir la prélogie Star Wars que la première trilogie. En attendant de connaître son avis sur la suite donnée par Disney à ce fameux space-opéra et sur le prochain Batman avec Ben Affleck, voici un aperçu de sa principal rubrique "Pourquoi j'ai raison et vous avez tort" dans laquelle il nous dit de manière parfaitement claire et argumentée ce qu'il pense de tel film ou réalisateur et cela bien sûr, sans prendre de gants.


02/01/2014
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Affreux, Sales et Méchants

La misère en mode burlesque.

 

 

Ah Rome!...Rome, ville éternelle, son patrimoine, son romantisme, sa douceur de vivre, tous ces attraits auxquels la plupart des personnes pensent à la seule évocation de son nom. Sauf que  le réalisateur Ettore Scola la connaît bien et entends nous montrer un autre visage de la capitale italienne, loin de ses traditionnels monuments et de ses boutiques pour touristes. Il nous emmène dans un bidonville à la découverte d’une famille nombreuse. A sa tête, Giacinto, père irascible ayant perdu un œil suite à un accident. Son unique but est de préserver son million de lires d'indemnité face à la convoitise de sa femme, de ses enfants et de toutes les autres personnes qui vivent sous son toit.

 

Tout d'abord, on ne peut qu'être surpris par le traitement réaliste qu'Ettore Scola adopte pour dépeindre les conditions de vie dans le bidonville. Les maisons sont de pauvres mansardes faites de planches de bois vermoulues et de taules récupérées dans lesquelles les habitants vivent dans la promiscuité la plus complète, faisant la cuisine, dormant et se lavant dans une pièce unique. A l’extérieur, leurs occupations nous sont dépeintes de manière précise grâce une caméra dont les mouvements nous permettent de survoler les lieux et d’accompagner chaque personnage dans ses activités. Pendant que les femmes lavent leur linge ou vont s’approvisionner en nourriture et que les hommes partent au travail, le film s’attarde sur certaines situations que l’on pourrait juger, avec le recul, immorales voir délictueuses. Celle d’une femme qui exhibe fièrement la photo de sa fille nue à de jeunes motards comme preuve de réussite sociale ou encore celle d’une adolescente enfermant des enfants dans une cage aménagée en parc de jeux.

 

Face à cette misère sociale, Scola ne nous permet jamais vraiment de prendre de la distance. Nous ne sortons que rarement du bidonville et aucun personnage ou situation n’est là pour condamner cet état de fait. Même lorsque Giacinto doit se justifier de violences conjugales auprès d’un inspecteur de police, ce n’est que pour recevoir un léger blâme. D’où la polémique compréhensible qu’a pu soulever le film à sa sortie et la gêne que l’on peut encore éprouver aujourd'hui devant ces scènes.

 

 

Il faut dire que le cinéaste italien ne prend aucune pincette quant à la caractérisation de ses personnages. Tous sont porteurs des pires vices; en particulier Giacinto qui défend son pactole le fusil à la main et le change constamment de place de peur de se le faire voler. A l'image de ses gesticulations, la plupart des situations relèvent d'un comique burlesque qui donne à l’ensemble une dimension anti-dramatique proche de la Comedia dell'Arte avec son lot d'amourettes, de tromperies et de vengeance.  Ainsi, l'une des scènes les plus drôles du film montre la rencontre entre Giacinto et une grosse prostituée, près d'un panneau publicitaire en ruine. La mise en scène s'y fait virtuose pour mettre en valeur la gaucherie de leurs gestes, leurs petits sourires en coin et leur clins d’œil complices, tout en tirant le meilleur parti du décor, à la fois obstacle, cadre et théâtre de leur coup de foudre.

 

Pour appuyer cette loufoquerie, c'est l'image, elle-même, qui se pare de petites touches colorée. Les multiples récipients en plastique, les vêtements extravagants des prostituées et les pages de bande dessinée qui traînent sur les tables renforcent l'aspect déjanté du film. On se surprend d'ailleurs à y voir une forme de poésie du bricolage et de la débrouille. Ce qui n'empêche pas le rire d'atteindre ses limites dans de brusques ruptures de ton dont Scola a le secret; en s'attardant, par exemple, sur une adolescente habillée de son petit tablier et de ses bottes jaunes, qui va chercher de l'eau, pensive mais dévouée à sa tâche. Là le film se fait plus mélancolique, plus sérieux, en accordant une dimension grave, presque tragique à un personnage secondaire.

 

Le regard que Scola porte sur cette réalité sociale n'est jamais bienveillant. Il ne cherche pas à donner du bidonville et de la famille de Giacinto une image idéalisée ou au contraire misérabiliste pour mettre à l’aise ou apitoyer le spectateur, il choisi clairement la farce grinçante. Ainsi, on ne rit pas tant de la pauvreté des personnages que de leurs comportements totalement farfelus et de leurs relations conflictuelles permanentes. La cellule familiale, si exploitée et critiquée par le cinéma italien est ici dynamitée, retournée dans tous les sens, malmenée comme jamais jusqu'à faire prendre au conflit entre, le père Giacinto et les autres membres de sa famille, des proportions gigantesques.

 

Au final, à travers ce constat, c'est la société italienne toute entière qui est visée, montrant sans filtre toute la cruauté et la bassesse qu'elle peut renfermer dans ses rapports humains, mettant au pilori la pingrerie, la jalousie et la mauvaise foi de son personnage principal Giacinto dont la profonde absence de scrupules et de complexes transparaît dans la laideur de son visage défiguré par la chaux. C'est vraiment le personnage typique de anti-héros que l'on aime détester, mais auquel on finit tout de même par s'attacher car il est tellement bourré de défauts qu'il en devient délicieusement ridicule. A ce titre, il faut saluer la performance de Nino Manfredi qui joue avec délectation ce salaud intégral, alors même que deux ans auparavant, il nous émouvait dans son rôle d'infirmier romantique dans "Nous nous sommes tant aimés" du même réalisateur.

 

Réalisateur : Ettore Scola

Pays : Italie

Année : 1976

Durée : 1h51

Avertissement : moins de 10 ans

Distribution : Nino Manfredi, Francesco Anniballi, Maria Bosco, Giselda Castrini


25/10/2013
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Mes scènes de film préférées


1. INVASION LOS ANGELES. Scène des lunettes

 

Une scène admirablement construite autour de la révélation du monde terrifiant qui entoure la population de Los Angeles, dominée sans le savoir par une race d'extraterrestres. Le dispositif séduit par sa simplicité et son efficacité. De simples lunettes de soleil mettent à jour la vérité que cache chaque image médiatique. Une affiche faisant la promotion d'une plage ensoleillée, idéale pour une lune de miel, devient ainsi une injonction au mariage et à l'accouplement des masses. Une vision paranoïaque et critique sur la société de consommation signée John Carpenter.


 

2. LOONEY TOONS : BACK IN ACTION. Scène du Louvre

 

Une scène extraordinaire par son inventivité et sa drôlerie. L'idée même de voir se côtoyer mes toons préférés et les grands chef-d’œuvre de l'art moderne vaut déjà en soi son pesant de cacahouètes , mais quand cette connivence prends la forme d'un vrai dialogue avec l'essence même des œuvres (leur style, leurs couleurs, leur matière) alors là, je crie au génie.

 


 

3. FREAKS . Scène du repas de Noces

 

Une scène dérangeante qui rassemble les différents protagonistes d'une troupe de cirque, interprétés par plusieurs artistes de Barnum, à l'occasion du repas de noces des personnages d'Hans, le nain et de Cléo, la belle trapéziste. Dérangeante parce qu'elle montre toute la bassesse dont est capable l'homme face à une différence qu'il ne comprends pas, mais dont il cherche à tirer avantage. Dérangeante parce qu'elle se situe à un moment où la communauté des "Freaks" (phénomènes de foire) s'apprête à accueillir une femme dont la beauté extérieure n'a d'égale que la profonde méchanceté. La force de la scène vient de cette démonstration qui nous arrive comme un coup de poing en plein visage, et nous pousse à nous interroger sur la part de monstre qu'il y a en chacun de nous.

 

 

4. 2001, L’ODYSSÉE DE L'ESPACE. Scène du tunnel dimensionnel.

 

Bowman, un astronaute isolé suite au dysfonctionnement de sa navette, se met à suivre un monolithe noir à bord d'une capsule. Il est alors aspiré dans un tunnel coloré et, terrifié, voyage à une grande vitesse à travers l'espace, découvrant d'étranges phénomènes cosmiques et des paysages extraterrestres aux couleurs étonnantes. J'ignore comment et par quoi les effets spéciaux ayant permis de créer ce tunnel coloré ont pu être fait , mais, une chose est sûr, c'est qu'ils sont d'une beauté terrifiante. Ils aspirent et captivent le regard en le plongeant dans un univers mystérieux, aussi déroutant qu'inquiétant, accompagné des chœurs mystiques du Requiem de Ligeti. Grandiose!

 

 

 

5. TERMINATOR 2. Scène du prologue

 

Cette scène est marquante à bien des égards. Les effets spéciaux, réalisés avec des maquettes d'un réalisme épatant, des décors et des éclairages bleutés qui créent une vision d'apocalypse saisissante n'ont pas vieillis. La musique, épurée, presque organique, donne à entendre le ronronnement lancinant des machines et apporte à cette introduction un côté très immersif. Ajoutons que la l'action est filmée et découpée de manière parfaitement lisible, laissant la part belle à la machinerie futuriste et aux explosions qui se détachent merveilleusement par contraste avec le fond... Et je ne parle même pas du thème musical de "Terminator" qui se déploie tout au long du générique... Simplement "culte"

 

 

6. QUAND PASSENT LES CIGOGNES. A peu près tout le film

 

Il y a énormément de moments marquant dans ce film russe des années 50, qui se démarque admirablement du formalisme idéologique d'Eisenstein en adoptant un parti pris presque poétique. Chaque plan est une véritable composition plastique, les surimpressions ainsi que tous les moyens proprement cinématographiques sont au service d'un lyrisme échevelé qui met en valeur l'histoire d'amour contrariée par la guerre des deux protagonistes. Absolument magnifique.

 

 

7. ZABRISKIE POINT. L' Explosion de la villa

 

Une scène mémorable traduisant la naissance d'un sentiment nouveau chez ce personnage de jeune femme seule dans le désert. Celui d'une totale indifférence face au confort bourgeois auquel chaque américain des années 60 aspire. Tous les objets de consommation courante, notamment ceux de la modernité, sont pulvérisés, déchiquetés, atomisés dans l'explosion d'une villa. La vision de cette destruction sous plusieurs angles , d'abord à vitesse normale, puis au ralenti, donne naissance à des compositions étonnantes qui convoquent le Pop Art et le Nouveau Réalisme au son de la musique de Pink Floyd. Inoubliable!

 

 

8. LES AILES DU DESIR. Rencontre entre Damiel et Marion.

 

Ce qui rend cette scène de rencontre aussi belle et touchante, c'est que les deux personnages se sont souvent croisés sans se trouver. Damiel, l'ange qui pouvait tout voir, mais qui restait prisonnier d'un monde en noir et blanc avec lequel il n'arrivait pas à interagir; et Marion, la trapéziste (oui encore une) qui se sentait, par ses origines, mais aussi par sa condition, étrangère au monde dans lequel elle se trouvait. C'est parce qu'il a renoncé à son immortalité que Damiel réussit à rencontrer la femme qu'il aime et qu'elle même réussit à s'ouvrir au monde à travers une remarquable déclaration d'amour, filmée très simplement au plus près des visages. Et puis, il fallait que je place un extrait avec cette actrice merveilleuse qu'est Solveig Dommartin dont la voix suave me donne des frissons.

 

 

9. VERTIGO. Générique

 

Les œuvres de Saul Bass relèvent du génie pure. Peu de personnes ont réussit à créer des génériques aussi mémorables en touchant quasiment à l'abstraction. Rien de surprenant alors que son travail, notamment pour les films Hitchcock, soit de renommée mondiale. Ici tout colle parfaitement ensemble. La musique entre en symbiose totale avec le texte et l'image. La beauté hallucinante et vertigineuse des spirales colorées qui naissent sans fin du milieu de l'écran finit par nous aspirer dans les méandres de l'inconscient humain. Une réussite!

 

 

10. LES TEMPS MODERNES. Scène de la machine à manger .... et beaucoup d'autres.

 

Dans "Les Temps Modernes", chaque scène ou presque est d'anthologie, ce qui rend le choix difficile.

J'ai opté pour cette scène, car elle montre à merveille la frénésie de l'innovation technologique, poussée à son paroxysme à travers la fabrication de machines sophistiquées, en décalage total avec les besoins réels. Charlot y  est irrésistible en ouvrier chétif qui devient, malgré lui, la victime du progrès.


22/08/2013
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