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Bande dessinée


SLAINE : Le Dieu Cornu

 

Slaine est le nom d'un puissant barbare à la musculature imposante créé par le scénariste Pat Mills dans les années 80. Et comme tout bon barbare digne de ce nom, il est capable de devenir une bête féroce incontrôlable et avide de sang au cours de ses combats. Ce dernier n'aspire cependant qu'a une chose : devenir l'incarnation du Dieu Cornu afin d'unir les tribus autour d'une nouvelle religion dans laquelle la Déesse Terre aurait à nouveau sa place.

 

Cet intégrale du cycle du Dieu cornu, dessiné par Simon Bisley et scénarisé par Mills s'adresse bien sûr aux fans d'heroic fantasy et surtout aux lecteurs des romans de Robert Ervin Howard auquels il est parfois fait référence, à travers "Crom" le nom du dieu ver, convoyeur des âmes dans l'autre monde ainsi que d'une brève apparition du personnage de Conan dans l'une des cases du  récit.

 

Mais n'imaginez pas que cette bande dessinée s'adresse uniquement à des esprits primaires, avides d'action. L'histoire nous est contée dans un style littéraire très soutenu. Les textes, nombreux, sont une prose très agréable à lire, justifiée par la présence d'un narrateur nain à oreilles pointues ayant assisté notre héros durant ses nombreux périples (je ne vous fais pas un dessin, je vous laisse découvrir l'ouvrage par vous même). C'est un peu le sidekick de Slaine qui réussit à donner de la légèreté à l'histoire par ses sarcasmes, mais aussi à lui conférer un semblant d'âme. Son récit est imprégné de son vécut autant que de ses états d'âme, témoignant d'une relation complexe avec son maître, faite à la fois d'amour et de haine.

 

Les femmes, quant à elles, ne sont pas en reste, car loin d'apparaître comme de simple faire-valoir, elles s'affirment par leur force de caractère et leur ingéniosité, capables de de concevoir les armes les plus destructrices, comme de séduire un dieu pour en faire l'instrument de leur terrible vengeance, à l'image de Medb envoûtant de sa crinière rose et de son corps sculptural, l'ancien dieu cornu, accroché à son pouvoir depuis des siècles.

 

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En ce sens, le la quête de Slaine se veut un retour à une société matriarcale en symbiose avec les forces de la nature . Pour cela, il abandonnera progressivement toute velléité  de puissance et de richesse et délaissera son ego au profit d'un attachement plus fort au relationnel et aux qualités diplomatiques. Bien sûr, ce cheminement ne se fera pas sans contrainte.

 

La grande qualité de la bande dessinée est justement de faire des traditions les principaux obstacles du cheminement du chef guerrier. Les principes machistes de domination masculine de crainte des dieux et d'immobilisme dans l'attente d'un avenir meilleur, sont fondamentalement remis en cause. Il y a une vision moderne de la société qui se dévoile au fil de la lecture. Et l'on ne peut qu'être surpris par ce parti pris des plus osé, d'autant que les rapports entre les personnages s’avèrent souvent d'une très grande subtilité. Des notions comme le respect de l'adversaire, le pardon difficile, l'altruisme sont parfaitement abordés. Mais la peinture de la société et des conditions de vie demeure crue et brutale, permettant un juste équilibre entre les fondamentaux du genre et l'ambition de mettre les mythes au goût du jour.

 

En parlant de peinture, nous ne devons pas omettre l'essentiel, à savoir la magnificence des dessins de Simon Bisley, qui constituent sans aucun doute la justification première à l'achat de cet intégral. A l'instar d'un Vincente Segrelles avec sa série du "Mercenaire", toutes les images sont peintes en couleurs directes avec une palette chatoyante mais nuancée, allant de verts et bleus poisseux au rouge sang qui jaillit littéralement des corps démembrés. Tout ceci contribue à faire baigner chaque scène dans une ambiance particulière. Les compositions sont amples et le trait graphique varié, adapté en fonction de chaque situation. Tantôt minimalistes, tantôt fouillés, au crayon, à l'encre ou à la gouache, les dessins surprennent à chaque page. Délectation de l'auteur à détailler une musculature ou la courbure d'une femme s'évanouissant dans un halo de fumée. Plongée fulgurante d'un dragon aux griffes crochues au bout de doigts crispés. floues artistiques accompagnant avec dynamisme une lance magique projetée furieusement contre l'ennemi ou la chute héros au fond d'un chaudron mystérieux. L'auteur est capable d'une très grande délicatesse dans le rendu d'une expression de visage à demi plongé dans l'obscurité, pour donner de l'intensité à un dialogue, et lorsque la situation s'y prête, il n'hésite pas à aller très loin dans la réalisation de poses grossières ou dans la caricature avec la même apparente facilité. C'est dire si le bonhomme a de l'expérience et du talent.

 

Si vous êtes intéressés par les aventures de Slaine, d'autres cycles d'histoires sont parus avant et après ce fameux "Dieu Cornu", la plupart scénarisés par Pat Mills. Malheureusement, il m'est impossible d'en parler faute de les avoir lu. Mais je vous conseille tout de même ce "Dieu Cornu", car il constitue une histoire complète et riche, dotée d'illustrations ahurissantes de beautés qui sont un régal à parcourir et à reparcourir. En comparaison les autres intégrales de Slaine sortis par Nickel, avec d'autres dessinateurs à la manœuvre possèdent des graphismes nettement moins séduisants, voir parfois assez laids, ce qui m'a un peu dissuadé de me lancer dans l'aventure jusqu'au bout. A vous de voir.

 

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Dessinateur : Simon Bisley

Scénariste : Pat Mills

Pays : Grande Bretagne

Année de publication : 2010 en intégral

Editions : Nickel


25/12/2013
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FURARI

 

Pour faire simple, Furari qui en japonais signifie "Au Gré du Vent" raconte au travers de petites histoire courtes, les déambulations d'un retraité, géomètre au milieu des architectures médiévales de la ville d'Edo. Ses pérégrinations sont l'occasion pour lui d'observer ce qui se passe autour de lui et de s'émerveiller de chaque moment de sa vie qu'il rythme de l'énumération de ses pas et du calcul des distances parcourues.

 

Ce balancement incessant entre rigueur scientifique et contemplation fait tout le sel de ce magnifique ouvrage en permettant une réflexion discrète sur le statut social de l'individu au sein d'une société très réglée et sur la possibilité de s'ouvrir au monde et aux choses de la vie malgré un mode de travail très rigoureux. Chaque pensée de ce promeneur, chacune de ses décisions trouve un écho autour de lui

 

C'est ainsi que notre géographe s'attarde sur des animaux qu'il aperçoit à son passage et à la place desquels il tente de se mettre, en imaginant ce qu'ils voient lorsqu'ils se déplacent que ce soient dans les airs ou sur les toits. Il fait également la rencontre d'un poète qui a réellement existé du nom d'Issa qui lui apprend par ses haiku que les choses les plus insignifiantes renferment une richesse insoupçonnable. Ce faisant, Taniguchi fait l'éloge de la pensée humaniste, curieuse de tout et avide de connaissances sur chaque chose qui nous entoure. Et en même temps, l'auteur nous rends à attentif à la fragilité de l'existence et aux capacités limitées des hommes qui ne peuvent comprendre tous les mystères du monde. Le personnage se fixe le but de tirer de ses mesure la carte du pays, mais en ayant toujours le sentiment de la dimension, presque colossale, voire inaccessible de sa tâche. De ce fait, le livre transmet une leçon d'humilité, sans toutefois négliger la persévérance, qui permet de repousser les limites de notre horizon "avancer, toujours avancer. Si on marche, on arrive toujours", comme le dit si bien notre géomètre.

 

 

Le trait fin et délicat de Taniguchi fait merveille dans l'illustration de ces histoires, non seulement concernant les personnages, qui semblent parcourir avec légèreté chaque vignette, mais aussi des paysages magnifiques d'un japon encore préservé. Les environnements naturels sont parfaitement retranscrits dans de magnifiques vues panoramiques qui occupent parfois 2 pages entières. Chaque case est un véritable tableau à contempler, de petites estampes japonaises miniatures respirant le calme et la sérénité. Et pour ne pas gâcher ça, le découpage reste très clair, les actions sont décrites progressivement et avec beaucoup de limpidité Jamais le rythme de la narration ne s'accélère vraiment et il y a peu de contrastes forts dans les images. A l'image du récit, tout concoure à évoquer le calme et la douceur de vivre. Le récit demeure globalement optimiste  tout en étant parfois ponctués de petits drames qui rappellent la fragilité de l'existence face aux forces naturelles. Une baleine échouée sur la plage d'Edo, un éclair qui s'abat sur un pin, épargnant de justesse notre héros, tous ces hasards de la vie qui peuvent la faire basculer à n'importe quel moment.

 

En bref, un ouvrage indispensable pour qui souhaite découvrir cet immense auteur de manga qu'est Taniguchi sans avoir à acheter la collection complète de son plus célèbre et renommé "Quartier Lointain". Si vous aimez le dessin de qualité et si vous voulez vous déstresser après une lourde journée de travail, cet ouvrage vous est destiné. Vous y apprendrez à relativiser tous vos problèmes et à gagner en confiance. Ne serait-ce que pour la noblesse des valeurs  qu'il porte, "Furari" mérite le titre de Chef-d'oeuvre.

 

 

Dessinateur : Jirô Taniguchi

Scénariste : Jirô Taniguchi

Pays : Japon

Année de publication : 2012

Editions : Casterman Ecritures


03/10/2013
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Olivier Ledroit Artbook

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"Comme d'habitude arrive le gigantesque carton à dessin, avec derrière un petit bonhomme. Un peu tremblant, il ouvre son carton et commence à me sortir ses dessins. Et là, miracle : c'est magnifique. Certes, il y'a des erreurs et des maladresses, mais aussi les germes d'un grand talent et la promesse d'un génie graphique. Sa maîtrise des couleurs est déjà exceptionnelle, et il n'a que 17 ans."

 

Ce témoignage de François Marcela - Froideval, qui compose avec d'autres textes de grands scénaristes ce livre impressionnant,, constitue un hommage mérité au prolifique artiste Olivier Ledroit avec qui il a collaboré sur une des plus grandes séries à succès de la bande dessinée contemporaine : "Les Chroniques de la Lune Noire". Ses planches d'un grand dynamisme, sa profusion de détails et son souffle épique peu commun ont séduit toute une génération de lecteurs fan d'Héroic Fantasy très sombre. Ainsi, la réalisation d'un artbook dédié à l'auteur, à l'origine aussi de "Sha", "Requiem, chevalier vampire" qui sont également d'autres séries importantes, tombe à point nommé pour tout amateur de bd.

 

En nous proposant ce bel et immense ouvrage (près de 300 pages) qui regroupe une somme conséquente d'illustrations et de planches de bandes dessinées, parfois même sur des pages pliantes, les éditions Nickel ne font pas les choses à moitié. Le papier, d'une grande qualité et la grandeur des pages permettent de parcourir chaque illustration jusqu'au moindre détail et de constater la somme importante de travail qui en est à l'origine.

 

 

L'évolution du style de l'artiste est particulièrement visible en parcourant les dessins de toutes les séries qu'il a réalisé et dont le l'ouvrage présente des passages selon un déroulement plus thématique que chronologique. On peut donc très bien d'une page à l'autre, passer de réalisations encore un peu grossières, cernées de noir à des créations plus subtiles dans leurs coloration et dans leur finition. Et quelle magnificence, lorsque l'on découvre un chevalier fantaisiste à l'armure argentée et scintillante qui se détache d'un fond sombre en contre-plongée ou bien encore un vaisseau menaçant flottant au dessus d'une forteresse rougeoyante. L'atmosphère qui se dégage de chaque illustration est unique, souvent limitée à une palette de camaïeux rouges, verts, bleus ou jaunes, mais toujours avec ce souci obsessionnel du détail.

 

L'art d'Olivier Ledroit est également hanté de figures récurrentes. On ne compte plus les crânes et les têtes de morts aux canines saillantes dans les architectures et les vaisseaux de la Série "Requiem, le chevalier vampire", sans compter Les armures , plus extravagantes les unes que les autres, tout en courbes et en pointes menaçantes qui sont presque systématiquement ornée de piques. Tous ces éléments contribuent à créer un environnement grandiloquent et démesuré un peu dans la lignée des bandes dessinées de Science fiction de Philippe Druillet, avec cette même attirance pour la représentation de personnages laids ou de situations horrifiques qui deviennent pourtant d'une beauté fascinante sous les traits de pinceau de l'auteur.

 

Et comme pour Philippe Druillet, les univers créés sont d'une grande inventivité. Le répertoire formel semble quasiment infini, car chaque page recèle son lot de décors improbables, de personnages aux costumes plus étranges les uns que les autres. La variété des angles de vues et le dynamisme des compositions ajoute également à la richesse de l'ensemble, si bien que le livre peut se parcourir et se reparcourir plusieurs fois d'affilée sans risquer de lasser. Un ouvrage indispensable donc, pour tout amateur d'illustrations fantastiques ou des bande dessinées d'Olivier Ledroit, qui vous donnera peut être envie, face à tant de créativité, de vous lancer dans l'aventure du Neuvième Art.

 


 

Dessinateur : Olivier Ledroit

Témoignages : Alejandro Jodorwski, François Marcela- Froideval, Thomas Mosdi...

Pays : France

Année de publication : 2007

Editions : Nickel


29/09/2013
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Par les chemins de l'espace

 

Contrairement aux autres albums des célèbres aventures de "Valérian, agent spatio-temporel", "Par les chemins de l'Espace" se présente comme un hors-série constitué de petites histoires réalisées originairement pour le journal Pilote. Derrière la plume du dessinateur, nous retrouvons bien sûr Jean Claude Mézières, accompagné comme toujours de Pierre Christin au scénario, qui nous concoctent de petite merveilles de dépaysement pour le plus grand plaisir des lecteurs.

 

Les trames scénaristiques restent assez simples et souvent construites sur le même schéma que les premiers ouvrages du duo d'auteurs : Valérian et éventuellement Lauréline se retrouvent sur une planète inconnue, soit en mission, soit par hasard et y découvrent tout un monde mystérieux, peuplé d'habitants étranges et parsemé d'énigmes et de dangers qu'ils doivent surmonter. Cette base de départ permet de poser des questions intéressantes sur de nombreux sujets comme par exemple : l'utilité réelle des nouvelles technologies, l'absurdité de la guerre ou le devenir des civilisations après la destruction de leur environnement, entre autre. On peu presque parler de fables, car chaque histoire possède une véritable portée philosophique sur le devenir de l'homme.

 

Le dessin, encore imparfait de Mézières qui n'en était qu'à ses débuts (ces 7 histoires succèdent Au premier tome de la série : "La Cité des Eaux Mouvantes") possède une saveur particulière. Le trait est certes, parfois hésitant dans la reproduction des caractéristiques physiques des personnages et l'on remarque encore beaucoup d'approximations en matière d'échelle et de perspective. Mais le dessin gagne en fraîcheur ce qu'il perd en précision. L'élégance des lignes, pleine de spontanéité, la qualité de l'encrage et le dynamisme apporté par la variété des angles de vue se posent d'ors et déjà comme les jalons du style Mézières qui perdurera dans ses albums suivants.

 

 

Et que dire de la richesse des univers extra-terrestres qui s'offrent à nous, si ce n'est qu'elle dévoile son lot de surprises. On navigue ainsi d'une planète vivante recouverte de méduses dorées pour atterrir ensuite sur un astéroïde habité par un collectionneur fou, caché dans un crabe géant en passant par une forêt tropicale, arpentée par une civilisation déchue qui se déploie en périphérie d'un monde dévasté et abandonné. Le dépaysement est garanti.

 

En somme, "Par les Chemins de l'Espace" est une véritable invitation au voyage qui permet au lecteur de parcourir un univers riche et surprenant, témoignant de l'imaginaire fertile de ses auteurs, et dans lequel nous pouvons trouver des éléments de réflexion sur la condition humaine. Et c'est au fond à cela que servent les meilleurs récits de science-fiction, à proposer des situations qui permettent de porter un regard réfléchi sur la société, sur l'homme et ses devenirs possibles en se projetant dans l'avenir et dans un espace toujours plus grand.

 

 

Dessinateur : Jean Claude Mézières

Scénariste : Pierre Christin

Pays : France

Année de publication : 1997

Editions : Dargaud


08/09/2013
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